6 février 2022, Lherm en Bouriane

En ce matin d’hiver, nous laissons le charmant village de Lherm blotti au creux d’un vallon et montons jusqu’à « Laborie ». Soudain, derrière un rideau de chênes, s’offre à nous une perspective intéressante sur le site : de belles bâtisses en pierre, parfois surmontées d’une tour, d’un pigeonnier, regroupées autour de l’église paroissiale et le long des petites routes qui y conduisent. Déjà, à l’époque romaine, il y a 2 000 ans, des habitants vivaient ici. On a retrouvé des fragments de tuiles et aussi des scories de fer, preuve que les gallo-romains exploitaient les ressources minières du secteur. Au Moyen -âge ce village a prospéré grâce au travail du fer et à l’artisanat, mais aussi grâce à l’élevage et à l’agriculture. Mais, comme bien d’autres sites, Lherm a été ravagé par la Guerre de Cent Ans (1ière moitié du xv e siècle). Plus tard, la ressource en minerai de fer a permis au village de renaître et d’enrichir la communauté en place (en 1462, présence de 7 fours ou forges sur les lieux).
Mais, ne nous attardons pas car il faut, par un chemin creux un peu escarpé, accéder au plateau. Peu à peu, sous l’effort, les bavardages s’essoufflent mais, chacun à son rythme atteint de petits sentiers sous les chênes pédonculés et pubescents (qui gardent leurs feuilles mortes de couleur marron) et sous les grands pins maritimes ou les pins sylvestres ( tronc rougeâtre) , essences si caractéristiques de la Bouriane. Plus loin, nous trouverons aussi les châtaigniers sur des sols plus acides.
Notre cheminement sur le plateau se poursuit entre des ajoncs qui montrent déjà leurs boutons dorés, et des taillis dépouillés ; sur la droite, en contrebas apparaît le hameau de Mas Sarrat. Nous le laissons pour faire une boucle qui nous conduit au lieu-dit « Le Bout » où une pause-café est la bienvenue…Nous atteignons rapidement le point culminant de notre randonnée (304m) : de larges horizons s’offrent à nous, émaillés d’espaces forestiers et de terres cultivées. Par de beaux chemins bordés de murets moussus, nous descendons vers Jamenègre ; plus bas, d’anciennes constructions en pierre (cazelle, four à pain, hauts murs d’enclos …) évoquent un passé plutôt dynamique, lié sans doute à la présence du minerai de fer et aux activités agricoles.
En effet, dans cette partie occidentale du Quercy, le minerai était ramassé en surface. Les paysans le « récoltaient » et en tiraient parfois un bon revenu. D’ailleurs, les seigneurs donnaient leurs terres à exploiter en tenant compte des « ressources » présentes dans le sol. Mais peu à peu tout l’espace fut débarrassé des blocs de minerai aussi fallut-il creuser des fosses à ciel ouverts, remonter la terre argileuse et sableuse et mettre de côté les blocs. Travail éreintant mais qui permit de comprendre que le minerai était presque toujours groupé en filons. Ainsi on creusa des galeries qui suivaient les filons évitant de remuer des tonnes de terres « stériles ».
De même la technique de fonte s’améliora. Au lieu d’utiliser de petits fours temporaires sur place, les hommes transportèrent le minerai sur des charrettes à bœufs vers les « moulines » dans les vallées de la Masse ou du Vert. Grâce à la force hydraulique qui actionnait des soufflets et par un jeu de tuyauteries, l’air était conduit vers le four situé près du moulin. Le fer était fondu en lingots constituées de plaques ou de tôles plus ou moins épaisses ou de fers ronds ; on le travaillait à froid. Beaucoup d’énergie s’imposait : on frappait les lingots avec un marteau très lourd (200kg environ) appelé « martinet » ; celui-ci se soulevait et retombait à un rythme assez rapide. Un ouvrier déplaçait le lingot au fur et à mesure afin qu’il s’aplatisse convenablement.
L’âge d’or de cette exploitation se situe dans la 2ème moitié du XV siècle. Après les ravages de la guerre de Cent Ans, il fallut déboiser, réactiver l’agriculture, reconstruire les maisons, granges, église …Les besoins en métaux s’avéraient indispensables (araires, bêches, enclumes, outils divers…) Peu à peu, la vie renaît dans le Quercy. Des « Pyrénéens » connaissant ces techniques se joignent aux maîtres de forge locaux.
Ainsi commercialise-t-on le fer vers le Limousin au N, Agen au S, le Périgord à l’O et vers Figeac et Villefranche à l’E. Mais, dès le XVII s, les gisements moins rentables ne purent lutter contre une nouvelle forme de sidérurgie.
Notre randonnée se termine par un sentier escarpé que nous descendons prudemment pour retrouver le joli village de Lherm. Une visite de l’église Notre-Dame de l’Assomption s’impose. Caractéristique de l’art roman (XIIe s), elle fut d’abord dédiée à St Ferréol, soldat romain martyrisé ; les travaux furent réalisés à l’initiative des coseigneurs de Lherm, les St GILY. D’abord constituée d’une nef non voûtée et d’une abside semi- circulaire en cul-de-four, dès la fin du XVe s, relevée de ses ruines après la guerre de Cent Ans, elle fut complétée par 2 chapelles latérales et vers 1520 par un clocher tour abritant un narthex. La façade ouest fut percée d’un imposant portail Renaissance portant des médaillons mutilés à la Révolution.
Vers 1650 l’église fut placée sous le vocable de Notre –Dame et embellie d’un retable baroque commandé au célèbre atelier des Tournié de Gourdon. Le sujet central figure la montée de la Vierge vers les cieux entourée d’une nuée d’anges. Par ailleurs, cette scène est encadrée par St Jean -Baptiste et le tribun militaire St Ferréol. Un riche décor s’offre à nous : rinceaux de feuilles et d’épis, corbeilles de fruits, guirlandes et bouquets de fleurs mais aussi représentations animales et chérubins aux visages épanouis…
Pour clore notre sortie, nous déambulons jusqu’à la chapelle du St Esprit tout près d’une fontaine. Un document d’archive mentionne un oratoire du St Esprit dès le début du XVI e s. Peut- être un culte païen dédié à la fontaine a-t-il pu exister ici-même ?
Ce fut une sortie champêtre qui nous a permis de découvrir des lieux chargés d’histoire et d’imaginer le travail des gens qui vivaient sur ce territoire.
A très bientôt pour d’autres découvertes …

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